L'avenir par Patrick Dubost
Je regarde « l'avenir ». Je suis assis au présent et je regarde « l'avenir ». J'essaie de voir au-delà mais « l'avenir » est un objet opaque. Je me lève et le contourne. Doucement. Cela prend-il du temps de contourner « l'avenir » ?... Et maintenant je vois « l'avenir » de dos, je vois « rineva'l ». « Rineva'l » n'est que légèrement opaque. J'essaie, au-delà de « rineva'l », d'apercevoir le présent. J'aperçois ma chaise vide. Je me dis, planté devant « rineva'l » et plus loin ma chaise vide, que si je me retourne encore je verrai l'avenir, je verrai l'avenir sans guillemet. Je me retourne tout doucement et je vois : « l'avenir ». Derrière « l'avenir » il y a « l'avenir ». Ne pas céder trop vite. Je contourne tout doucement « l'avenir » n°2, je me retourne tout doucement et je vois « rineva'l » n°2. Je me retourne tout doucement et vois « l'avenir » n°3. Je marque un temps d'arrêt. Je me pose la question du présent. Le problème de la chaise vide. Après une course d'élan de huit mètres, je franchis « l'avenir » n°3, puis « l'avenir » n°4, et je continue de courir et sauter mais sans plus me soucier du présent ou de la chaise vide. Jusqu'à « l'avenir » n°10. Et là : plus rien. Sauf, à même le sol, à une quinzaine de mètres : « ligne d'arrivée ». Je franchis, tout doucement : « ligne d'arrivée ». Beaucoup de bruit sur les gradins. (Mes ancêtres, mes descendants.) Ils font un raffut d'enfer. Je suis encore au présent. Je me retourne sous les cris et les projectiles. Je vois la perspective des « rineva'l » et, tout au fond, imperturbablement : ma chaise est vide.