Quelle histoire nous précède ? par Éric Villeneuve
Jaune
Bleu
Blanc
Quelle histoire nous précède ?
Il y en a toujours une, dans l’air
au moins une
Est-ce celle qui nous a plu
ou celle qui nous a résisté ?
Est-ce celle dont nous rêvons
ou celle que nous venons de raconter ?
Et si elles étaient là, toutes
les histoires
dont nous sommes
tributaires
mélangeant leurs souffles
se fondant les unes
dans les autres
traversant la peau
les tympans
plus fluides que jamais
Oui, elles sont là, toutes
striées d’influx nerveux
poudrées de minéraux
Et la parole qui monte
sous leur impulsion
elle coule
depuis les à-pics
du passé
Sauf que ça, c’était avant
Lorsque débute
Sorte de blanc
Monochrome bleu
Tache jaune
tout est changé, tout est aboli
Les mots se sont détournés de nous
Leur flux incessant nous est devenu
– étranger
C’est un cours d’eau que nous regardons
depuis la rive
au sec
Les mots n’entrent plus
Les mots n’irriguent plus
Certes, nous pourrions parler, encore
nous sentons bien que oui
mais nous qui en avons trop dit
ou trop entendu
dans le passé
ne pouvons plus avancer
comme avant
portés par le courant
Il nous faut des pierres
des pierres émergées
+ l’idée de sauter
de l’une à l’autre
… petit chemin de mots
en travers du courant
et qui nous entraîne
vers des décors brumeux
Contrées incertaines,
embryons de pays
Nous voici errant
dans une ville mutique
peuplée de vagues silhouettes
Des rues où le promeneur indécis
reçoit tout au plus des
« indications muettes »
Odense
Brohus
Jensens
Mots immobiles
écrits sur les murs des maisons
et qui donnent envie de se fondre
dans le paysage
*
N’était un début de frémissement dans l’air, nous cèderions à la tentation de disparaître ainsi, engourdis par les mots silencieux
*
Mais voici que les « indications muettes »
se mettent à vibrer
à résonner en nous
Comme un appel, un sursaut !
un jeu d’enfant
une comptine
Jensens, Brohus, Odense
Et tout est relancé !
On accélère
On rentre dans le jeu
Là-bas, au bout de la rue
comme un estuaire sonore
la maison d’un conteur
sen
der
An
C’est un endroit pour nous
un refuge pour nos mots affaiblis
un lieu où toutes les histoires
même effacées des mémoires
reprennent vie
nous en qui la parole s’était étiolée
nous pouvons entrer là
dans la demeure du conteur
en capter les ressources
à foison
Si besoin
et si ça nous chante
nous pouvons
Quitter le réduit du mousse
Sauter de son toit ardu
Courir avec une clé lyre
nous pouvons
Voler en ciré jaune
Parler avec des cygnes
Tomber en vrille
nous pouvons
Traverser Skagen
Effleurer Silkeborg
Glisser entre…
Baltic et Nordsøen
Tout, nous pouvons tout
Peut-être même
à la fin du périple
découvrir
notre double nature
né(e) des œuvres de nos parents
&
originaire d’un conte