Animabilis, bande dessinée de Thierry Murat par Christophe Stolowicki

Les Parutions

12 nov.
2018

Animabilis, bande dessinée de Thierry Murat par Christophe Stolowicki

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Dans ma naïveté incoercible, malgré l’exemple de Baudelaire dans La fausse monnaie s’ingéniant à déceler la subtile intention de l’aumône d’une pièce fausse, je reçois d’emblée au second degré, comme une sapide ironie ou le clin d’œil d’un poétisant pompier, les sentencieuses à quelques éclats justes près, bribes de poème en vers libres qui légendent une très belle BD : d’écriture cinématographique tout en alternances et récurrences de plans, face et profil, rapprochés et sporadiquement panoramiques, la double page saisie en raccord de table ou de tête de lit en imposant un changement de lecture ; un beat profond, des cadrages millimétrés, un écarlate éteint courant sous le sépia ou le bleuté gris, les contre-jours violents, les corps mi-partis de charnel et d’ombre noire, des dialogues dont un fléchage tient lieu de bulle. Élargissant la poésie visuelle, il en émane une rare qualité de silence, un coin enfoncé dans ma prévention contre tout ce qui est de nos jours abusivement qualifié de poétique.

 

Le film fabulé en cinq chapitres dont un en flash back, tels les effets d’annonce par lettrine géante de Rohmer ou de Breaking the waves de Lars von Trier, intrigue du polar. Au début de la fin du siècle avant-dernier un jeune journaliste français enquêtant sur l’épidémie qui décime les brebis d’une aigre néo-gothique campagne anglaise au ciel sobre d’hiver floconneux, s’avère bien vite moins folliculaire que poëte– dans sa graphie d’avant la réforme de l’orthographe de 1878 – penché sur lui-même sur le motif de lande ou de foule houleuse de pub. Le patron railleur, un médecin, un improbable curé démoniaque et l’ondine de chair fondante rêvée tiennent les rôles secondaires. La mort, très à l’affût. L’été, l’automne, le texte s’étoffe. « L’arrière-saison commençait déjà à mordre dans la chair moribonde de l’été. »     

 

Animabilis, ou doué d’âme, on le traduit par vivifiant. Thierry Murat n’est pas latiniste ni poète ; investissant pour la première fois j’imagine le champ des chants, il a fait appel à des gens compétents. L’aède mentor, je l’apprends en dernière page, est Jean-Pierre Siméon, directeur du Printemps des poètes. Je le lis à présent dans l’original. Encore que je croie comme lui que La poésie sauvera le monde, Thierry Murat lui est fatal.

 

 

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