Cantos Propaganda Productions par Bruno Fern

Les Parutions

11 sept.
2017

Cantos Propaganda Productions par Bruno Fern

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Charles Pennequin, poèmes collés dans la tête

Claude Minière, Les Bâches

 

 

Depuis ses débuts en 2014, Cantos Propaganda Productions a pour principal objectif de faire paraître, sur internet comme sur papier, tout autant des œuvres littéraires et / ou sonores inédites que d’autres déjà parues mais trop vite englouties par la masse des dites nouveautés qui, contrairement aux apparences, n’apportent pas toujours grand-chose de neuf.

C’est le second cas avec ces livrets à la facture soignée (mais pas chic) puisque l’ensemble de Charles Pennequin « a été composé en 1999 pour un fanzine disparu avec les deux tiers de ses auteurs. Rangé, égaré puis retrouvé en 2016, il a été relu, augmenté, remonté et enrichi de plusieurs photographies de Caroline Deseille et Jelle Meander »1. On y reconnaît le style inimitable de l’auteur, pourtant tellement imité par toute une génération de suiveurs-euses ne pouvant épater que ceux qui ont la mémoire courte. Une fois de plus, le travail de la répétition (justement évoquée dans le premier texte de cette série) permet d’entremêler le tragique et le comique, l’enfermement en soi et la tentative d’y échapper par un usage inhabituel des mots de la tribu, à mi-chemin entre Ernst Jandl2 et Beckett :

les poèmes délabrés c’est
quand je vais voir ma maman
sont délabrés les poèmes c’est
quand je vais la voir et elle me
dit maman c’est quand je vais
la voir elle me dit tu sais mon
petit ce que je veux c’est que
je mange ton cerveau

Quant à la suite de Claude Minière, initialement publiée en 1979 dans la collection Muro Torto que dirigeait Christian Prigent, elle a pour bande-annonce : Nates de travœil, textes hirsutes, poésie chiffonnière, lignes bondissantes, strette diffractée. Dédiées aux gens du voyage, ces notes aux formes diverses, jouant avec les variations typographiques jusqu’à l’intérieur du même mot, font faire au lecteur plus d’un tour d’une piste de cirque et illustrent ce que C. Prigent affirmait à propos de l’écriture de cet auteur dans La Langue et ses monstres3 : « Mise en volume, vitesse du phrasé et dynamique des associations qu’embarque cette vitesse construisent un espace et un temps fuyants. » Qu’on en juge avec cet extrait où l’on est emporté d’un mot à l’autre aussi bien sémantiquement qu’à travers de multiples effets sonores :

Ah les bâches ! Ba falloir reprendre dans la vafouille dans la doublure rogner dans l’ourlet du trou noir. Clown blanc sur le bord s’efface : les clowns ne sont jamais tristes ou nés. Va balloir reprendre dans la morale la vieille qui fait encore de l’équilibre du trapèze volant plein les poches sous les yeux comme elle est fardée farfadet au loin là-haut qui arrange des liaisons dans le vide le gaz gazouillis qui rabâche

Voici donc une entreprise éditoriale qui mérite largement d’être soutenue.

 

1 Note de l’éditeur.
2 http://www.oeuvresouvertes.net/spip.php?article1756

3 P.O.L, 1989 puis, dans une édition corrigée et complétée, en 2014.

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