Maintenant / des arbres d'Yvan Mignot par Jean-Marc Baillieu

Les Parutions

18 juil.
2018

Maintenant / des arbres d'Yvan Mignot par Jean-Marc Baillieu

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Lauréat du prix Russophonie 2018 (qui récompense une meilleure traduction du russe au français) pour Œuvres 1919-1922 de Vélimir Khlebnikov (éd. Verdier), Yvan Mignot (1942) est aussi l’auteur de poèmes qui sortent du lot. Après Entêtante étrangeté (Contrat Maint, 2002), les éditions Fidel Anthelme X, animées par Frédérique Guétat-Liviani ((cf. sa récente lettre en Incitations), ont publié Prose de la dame en 2006, et Sonnenkraft – la bande à Baader n’a jamais existé en 2010 avant de nous proposer ce sublime Maintenant / des arbres, 29 pages de vers libres dans la collection « La Motesta » de format 14x14 cm. Trois poèmes, le premier (sans titre) porte en exergue le « je ne sais pas d’autre bombe qu’un livre » de Stéphane Mallarmé (1), le troisième intitulé Un futur antérieur d’aujourd’huiqui, « car il faut bien que l’ordre règne » qu’alors « il y eut désastre », se termine, une fois lu et déployé « l’éventail de mallarmé », par « MAINTENANT (…) IL NOUS FAUT (…) DES ARBRES », d’où le titre du livre. Le premier poème reprend quelques dates du parcours russophone et russophile d’Yvan Mignot, après la saisissante photo en 1923 de Lénine paralysé, et avant une visite inoubliable à Lili Brik… Pas d’anecdote cependant, des souvenirs marquants jusqu’à en écrire le suc en un phrasé qui invite le lecteur, la lectrice à s’emparer à haute voix du poème pour bien en saisir le rythme et le sens : « nous sommes ainsi / nous nagerons à rebours / ni anges / ni démons », peut-être parmi « brouillons brouillards / froissés / oubliés », et bien que « j’ai oublié le mot     avait-il dit / il n’osa dire   l’imprononçable », d’ailleurs « je n’ai pas vu voronèje ». Ensuite,  qui a croisé ou connu Martine Broda (2) la reconnaîtra non sans émotion dans l’évocation affectueuse et sans vaine affectation qu’esquisse Comme au milieu des ronces, deuxième poème du livre. Enfin, cerise (à l’eau de vie) sur le gâteau : l’intérieur de la jaquette qui enserre le livre reproduit sur fond noir mat une émouvante série de morphogrammes runiques sibériens ou chinois primitifs… En bref, une double réussite : scripturale et éditoriale.

 

(1) Dans son Message du 8 juin 1941, Philippe Pétain, promoteur d’une Révolution nationale, n’écrivait-il pas : « …préserver nos jeunes de ces causes de dégradation de leurs énergies, l’alcoolisme, les livres ou les spectacles immoraux… » ?

(2)  Poète et traductrice de Paul Celan, dédicataire du second poème.

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