De la Loire de Philippe Beck par Ronald Klapka

Les Parutions

20 avril
2008

De la Loire de Philippe Beck par Ronald Klapka

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Aux dernières pages de Un Journal Beck en condense en quelque sorte l'intention d'ensemble :

Barthes délibère avec journal aussi. Et accepte les doutes-retards. J. est mine à ciel ouvert ? Tissu ou rengaine d'atmosphère ? Il dit que « sincérité n'est qu'un imaginaire au second degré ». J. offre « un texte coloré », un éparpillement de traces d'époque, un monnayage quotidien de temps, une force-plus, l'atelier de justesse, la fidélité de dessein - et les reins exultent quand des lèvres expriment des choses justes. (235)

Je note la citation (c'est moi qui souligne) du livre des Proverbes, chapitre 23, verset 16, le mot reins ayant été ici justement préféré à la fadeur de cœur.

Soit la mention mosaïque dans un projet musaïque.

Ainsi dans De la Loire, on trouve au début de V.d.p. 3. Prairie. Moment 2. :

Instructions se répandent
comme pluie
de syllabes didactiques,
perles de rosée groupées,
ondées sur verdure de silence
aux diamants dégroupés.
Poésie est pierre de tombée.


(Cf. Deutéronome, XXXII, 2.).

Référence - explicite cette fois - au cantique de Moïse (peut-être le « nerf de ces textes », sa « poéthique », le vœu d'une vie non abaissée).

J'en recopie la suite, pour souligner thème et manière :

Voilage de perles posé par mains antiques, rideau étendu sur le plafond-toit = du Bruges ailleurs. Du Bruges ou exactitude et mobilité. Filet d'argent, indéfini, disponibilité, filet-surface, qui prend la suite du dessus. S. est la prise. Et le Prenant plus les dunes d'huile. Gril Silence. Ou bien : Gril silence. Au Soir, Soleil, Peintre Détaillant loupe les brosses du bord, les Brosses du Sud, avec des voiles d'orange, île-épi est proue de navire vert et liant, et navire des brosses du vent, jetée qui double la Rive-Balai. C'est la doublure au centre de l'eau. Au sud, mousse d'eau et d'huile étend l'ex-poussière ou perlement, poudroiement, et fait la laque de rive près du Pont aux arches exactes (Pont « romain »). Pointe de l'Œle a des tourments derrière, après les plages seules. Le train Inaccès glisse dessus régulièrement. Soleil de soir tantôt grise le vert des bulles d'arbres du Sud, tantôt rougit en les respectant les nerfs de ces poches, ou coiffes loin. Je dis le nerf de ces textes. À cause de la « chose lourde ».

A l'instar de celle -ci : quarante « vagues de pierre », (comme les quarante semaines d'Un Journal) mais " Voici des vagues, et dessus des bras de danseuse indienne, sous le vent. ". Echo au magnifique poème « à Indi » qui clôt Un Journal, comme des « ripple-marks » du texte.

Ainsi le lecteur est prévenu, pas de « gilet de chagrin » à parcourir les quarante stations (les lieux : Trentemoult, Couëron, Navibus etc. sont autant de moments) qui vont de l'estuaire de Nantes à l'Atlantique, à « bâtir des châteaux dans les airs » en compagnie de Thoreau-Promeneur, lequel aura précisé « Il y a des continents et des mers dans le monde moral, pour lesquels tout homme est isthme ou canal. [Aller voir du côté du « Sens de Walden » par Stanley Cavell, « poème en prose (W.) relatif, descriptif et analytique, après coup, dans les conditions du direct. »]

Extrême douceur, fluidité, dans lesquelles le lecteur est « mené en bateau, sur l'ensemble de questions, ou Loire, ou herbe de lune. Mais si le jour est éclairé de tableaux, les tableaux l'éclairent. »

Dans la didactique préface au poème de Martin Rueff -Icare crie dans un ciel de craie- *, le transcendantalisme se voit rénové en descendantalisme (Go down, Moses ! ), le paradis en piqué, et la rose au creux de laquelle s'endormir - et se donnent quelques éléments de la poétique de Philippe Beck : « Quitter le ciel scolaire, ce n'est pas abandonner le savoir, mais quitter une mine élémentaire pour descendre à une autre. La descente est phénoménologie dramatique, ou drame apophantique révélant des vérités poétiquement.» Le point IV de cet avant-propos est des plus convaincants, je n'en retiens que :

Alors devient possible le poème lyrique vrai, ou quelqu'un peut dire « je » par « amour profond ».





* Icare crie dans un ciel de craie , Martin Rueff, Belin (2008)
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