Les clandestins du jour de Pierre Le Coz par Pascal Boulanger

Les Parutions

15 mai
2017

Les clandestins du jour de Pierre Le Coz par Pascal Boulanger

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Pierre Le Coz n’est pas de ceux qui prennent plaisir à vivre dans le village planétaire et qui acceptent la servitude volontaire ou négociée. Dans son récit debordien, il sait produire du réel – et du réel poétique - en laissant au présent, et au devenir, leur innocence.
Il est, avant tout, l’auteur de neufs volumes : L’Europe et la profondeur (Nouvelles éditions Loubatières) qui n’ont cessé d’examiner le monde-tombe dans lequel la condition de l’homme et le temps lui-même, sont éprouvés comme séjour carcéral. Son projet philosophique et poétique, qui se prolonge à travers ce récit, a été de ruiner tout ce qui, de près ou de loin, renforce ce qu’il nomme la pensée de la clôture, et de remettre en évidence, rien de moins, le secret de la vie.
Les clandestins du jour est la version méditative de ce jeu dans le labyrinthe du monde. Ce récit, où chaque phrase résonne poétiquement, s’inscrit dans l’éclaircie, dans l’ouverture d’un chemin métaphysique, dans un « ici » et « maintenant » capable de réintroduire de la beauté et de la sensualité dans un monde saturé de valeurs marchandes. Il s’agit bien de sortir de son époque par l’échappée. Celle-ci nécessite la foi dans l’inconnu, la foi dans les sauts d’harmonie inouïs (Rimbaud). Elle s’attache au souffle originel et à la conscience intime du temps. L’enfance des choses n’a vocation à rien, ni aux formes de vie mondaines et agitées, ni aux notables insérés dans leur niche sociale. Un personnage se confronte à la cité humaine – dérisoire et bruyante – mais aussi à l’illimité silencieux et caché : une brume d’or venue de l’océan. Le secret ici, c’est le dévoilement d’une joie simple, d’un esprit d’enfance retrouvé à volonté, d’une pure exposition aux vents et à la lumière.
Il y avait comme des trous dans le temps, des carrefours où l’on pouvait à tous moments bifurquer, s’échapper sans que revienne sur vous la pesanteur de destins qu’on avait cru irrépressibles.
Pour être ce voyageur en partance, il faut goûter le passage du temps, traverser un temps sans bords, dilaté et ouvert, offert comme une suspension d’âme. Puis, comme une trêve entre deux combats avec la réalité rugueuse, il y a la chambre-refuge, la scène de l’intime, celle dans laquelle on jouit des livres et des lèvres.
Et l’amante n’était plus alors que la princesse lointaine des contes, endormie quelque part dans l’immense cité, et dont il s’agissait de retrouver la chambre gardée par tous les dragons du quotidien.
Les clandestins du jour sont des sortes d’anarchistes chrétiens, cherchant le royaume, ici même, loin des empires nihilistes. Ils parviennent à instaurer, en esprit et dans les actes, une économie d’abondance dans l’acquiescement à l’existence. Ils se tiennent debout, au-dessus du gouffre du temps et de l’espace, dans l’exil et dans l’errance. Ce récit situationniste propose une dérive qui se décharge du poids de la représentation sociale et mondaine. Rimbaud, Rilke, Debord ont su vivre le proche et le lointain, ils sont dans ce récit les grands et considérables passants toujours présents.
Le vrai poème était plutôt dans les jeux qu’ils inventaient pour traverser le dédale urbain, dans la manière toujours renouvelée dont ils illustraient leur amour.

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