Les mains d’Hannah, de Perrine Le Querrec par Christophe Stolowicki

Les Parutions

25 janv.
2023

Les mains d’Hannah, de Perrine Le Querrec par Christophe Stolowicki

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Les mains d’Hannah, de Perrine Le Querrec

 

Écrit avec une passion communicante, une identification à cru, à quatre mains voire six ou huit, un livre bienvenu sur l’artiste dadaïste Hanna Höch (1889 – 1978), un peu en marge du mouvement dont Perrine Le Querrec dénonce le reste de machisme, ainsi que celui des milieux de la peinture, fort en retard sur les lettres. De ses mains Hannah a tout fait qui entremêle les regards, photomontages surtout et collages, proche de son ami Kurt Schwitters et de son Merzbau (caverne son logis construit avec des déchets de choix, qu’il doit abandonner et qu’il reconstitue). Comme lui, elle a été en butte aux persécutions nazies en tant qu’« artiste dégénérée » – plus chanceuse a pu enterrer son œuvre dans son jardin.

Dressant, tressant sa bannière de porte-geste du féminisme, Perrine Le Querrec associe à son écho « quelque chose comme de l’acier et du lait », connaissant dans son sillage « Les nuits blanches de la ponctuation /[où] Remplacer tous les . par des –, qu’ils soient sutures comme elle façonne, interrompt les figures et montre les raccords » : une mise en abyme pictural. Imprégnée au long cours, elle démultiplie son écriture poétique de toutes les ressources autocentrées et décentrées contemporaines, ratures, renvois, variation des formats de caractères, barres d’icônes, la principale ces ciseaux dont est armée la collagiste, à l’instar de Matisse composant son jazz de précurseur – elle viscéralement entaillée.

« À la poursuite de Hannah Höch j’échafaude des écritures, les fondations d’un livre incertain. Hannah une écriture qui oblige à se tapir comme dans une grotte, une écriture creusée dans la roche, les sous-sols, écriture qui transforme le plein en vide, l’obscurité en clarté, qui voisine l’espace sacré des morts. Hannah Höch une écriture des fondations, des promesses tenues. […] Une écriture troglodyte. Chtonienne. Merz. Minière. Minérale. / Puits et tunnels-ligne Maginot-tranchées-abri accélérateur / de particules / Hannah mon écriture des tentatives et des échecs […] je n’ai jamais autant peiné sur les mots, attentive au-delà du possible à ton souffle tes gestes ta voix depuis des mois j’écoute ta voix tu murmures à mon oreille je / note sténographie / monte et démonte / découpe assemble / fouille et archive / classe et déclasse ».

Bien. Mais tout du long je suis resté sur ma faim. Accaparant tout l’espace paginal, la poète n’a laissé qu’une image, un visage de sexe ambivalent et armé d’un monocle, à la photomonteuse, et le troublant assemblage de trois, bien disparates de thème, à la collagiste. C’est abuser de l’écriture, de vouloir être crue sur seule parole.      

 

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