Lundi propre, de Guillaume Decourt par Christophe Stolowicki

Les Parutions

22 févr.
2023

Lundi propre, de Guillaume Decourt par Christophe Stolowicki

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Lundi propre, de Guillaume Decourt

 

Qui a dit que la poésie est désormais inadmissible ? Guillaume Decourt, en son autoportrait de livre en livre retouché, complété, disjoint et reconstituant son dédale utérin, illustre magistralement le contraire.

Tout en dizains de décasyllabes, sans l’anicroche d’une ponctuation autre que poétique sinon un ou deux points d’interrogation, des guillemets d’intelligibilité et des deux points de politesse, nous est servi un festival de la rime contemporaine, celle dont Aragon est le poéticien premier, un festin de rimes tierces à quintuples, croisées décroisées, alternées, enlacées, embrassées, enchâssées ou plates, définitivement plates à la chute du dizain, comme l’eau plate et les plus grands crus. « Mickey » avec « O.K. », « comme » avec « welcome », en anglophile envers de Wilde sans les provocations de son génie ; « ours » avec « femme rousse », « texte » avec « presque » (plutôt paronomastique qu’approximative) ; la plupart dépareillées quant au sexe, sauf quand « déclinaison » s’accorde avec « hameçons » pour agacer nos sens, ou « remercié » avec « qui lui sied » pour les adoucir ; quelques performances d’enjambement rimé, celui initié par Aragon, mais se gardant dans l’ensemble de l’excès de gageure.

Soit métier : poète, ne possédant qu’une valise et quelques vestons et chaussettes de grand voyageur, de Mayotte à la Nouvelle-Calédonie, points d’ancrage la Grèce et ses plages privées pour armateurs, Paris plutôt que le Massif Central, en contournant soigneusement l’Abyssinie des jours ordinaires. Poète de constat, peu de profession. Fils d’ambassadeur (d’où cette imprégnation au voyage) épluchant une orange comme personne et s’exerçant aux épreuves physiques (de natation) les plus rigoureuses. Dandy affirmé dont the love of oneself is the begining of a lifelong romance. Poète s’assurant définitivement, par la naissance (tardive) de jumeaux, à bout d’efforts mobilisant science et prescriptions, le loisir qui lui est dû, quand « Le premier bordel digne de ce nom / Est à plus d’une heure et demie de route ».         

« Je songe qu’on ne devrait pas blâmer / L’homme sans idée l’homme sans question ». Devenant l’homme sans qualités autres que des réponses sans questions. De lui-même au futur antérieur déclarant  avoir «Donné à tous [s]es tocs le nom de rites » que ne sont pas les tics.   

Pourquoi lundi propre? La non-explication s’est laissé attendre jusqu’aux antépénultièmes pages – même un poète a ses ficelles. Du grand voyageur abyssal, en bottes de ces lieux-temps que sont les langues, de laquelle ce lundi propre est-il l’idiosyncrasique rejeton, plus parlant d’être de traduction latente que l’amour-propre ou le figuré ?

Mais aussi pourquoi cet insipide bandeau vendeur (« un ciel très bleu et des citrons très jaunes ») ? Je sais que la France n’est bientôt plus qu’une succursale des États-Unis où cette pratique venderesse est systématique, mais Guillaume Decourt ne méritait pas ça.   

 

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