une même lunaison de Sofia Queiros par Christophe Stolowicki

Les Parutions

01 juil.
2019

une même lunaison de Sofia Queiros par Christophe Stolowicki

  • Partager sur Facebook

 

 

Avançant à pas comptés parmi les très petites choses de sa vie de princesse du quotidien, progressant jour après jour féminin d’une même lunaison qu’un vent marin lui souffle venu de loin ; de la menue fractale de sa vie suivant le cours brisé, concassé ; à ras, à même rompant le pain de lune avec ce qui de rien à soi lui vient, Sofia Queiros écrit les bonheurs de Sophie poète diariste, au fil rompu, à la syntaxe près. Il ne se passe rien. « Parfois un grincement // un craquement dans l’ordinaire tourne et rond. » L’adjectif verbalisé, verbe alizé de pâté et de flaque, la flache de Rimbaud.

 

Le parti pris du peu tire parti du peu, prend à partie le peu et le rien des petites gens qui sont son quotidien – avec des creux de tendresse.

 

« C’est là qu’on trouvait la vieille carne et le pain gris, en ce temps de l’enfance, père et mère au travail dès que sur les jambes, sans lettre, sans boucle dans le o, sans table de multiplication et sans grande histoire. »

 

La plupart des jours sont doubles, à deux pages en regard. Mais ceux qui importent ont la politesse d’être marqués d’une page blanche, d’un caillou de Poucet qui n’a pas de féminin ; seule celle de droite imprime, imprègne l’événement. L’ellipse comme une éclipse. Tout glisse sur une éclisse dans la monotonie des jours. Sur une écharde naine. À tâtons pensés. Figures de non-style les raccourcis en impasse, les enjambements de non-lieu – après une strophe ou deux la syntaxe se raccorde, à contre-zeugme traverse l’Hellespont avec toutes les armées de Xerxès. Rimes et allitérations éliminées impitoyablement. En Sofia vers et prose ont retrouvé leur tronc commun.  

 

« Elle a compté les wagons du train de marchandises, de face comme une vache », de  celles que regarde le passer des trains. « Elle n’aime rien que de ne rien faire. / Elle n’aime rien que de rester seule chez elle. Quand tous ont déserté leur intérieur. // Elle ne dit pas de mots doux, elle ne les a jamais écrits » –  l’écrit retourne le non-dit. « Elle a par petites touches de faiblesse des gestes tendres qu’elle regrette aussitôt. » Mais dans l’alenti un bonheur. « Puisqu’il est là le bien-aimé. // Elle chanterait le cantique. »

 

Le livre est de format modeste (12 x 15 cm) – de grande facture, luxe sobre et nu, couverture noire imperceptiblement passée à la flamme.

 

 

Retour à la liste des Parutions de sitaudis