Dehors dehors d'Anna Serra par Christophe Stolowicki

Les Parutions

17 avril
2019

Dehors dehors d'Anna Serra par Christophe Stolowicki

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Hors champ, hors cadre, partagées entre haut et bas les capitales du titre en couverture débordent sur le vide, de la proportion parfaite du nombre d’aurore (orange sur or) barrées de néant – dehors dehors. Émanant d’une poète, née à Perpignan, traductrice de poésie catalane, on peut entendre aussi cet intitulé comme un appel étouffé à l’indépendance d’une province qui a sa langue propre, hautement littéraire ; les poètes autant que les armes fondant lie d’entité d’un peuple.

 

« l’air est dur les fleurs s’écrasent sur la paroi d’air / chaud retombent sèches anciennement humides / les yeux aussi »

 

À happer et laisser reposer – jaillissent les lueurs, bribes avivées à l’arc de l’omniprésent soleil.   

 

« surtout toutes les oranges pourries tu les jetteras / à l’eau aussi » ; « la peau fripée molle et gâtée / des oranges bouillantes tombées dans les / bouches d’une terre boueuse » ; « le cri mûri des oranges / pourrit à leurs pieds et aux tiens »

 

Au ras à même, en bouche à la louche les thèmes lancinants reviennent, coule le Guadalquivir à l’aise dans le malaise, chat et oiseau en un filet de sang dans l’ô, et ces oranges pourries comme le cristal ; un accent hors ange ni dieu ni câble, comme compost ; les reprises inlassables que déplace ce qui de vers en avers monte aux grandes orgues non à orgasme ; le souffle qui suffoque que l’enjambement délasse, l’irrespirable que sature, que compacte une prose versifiée pleine page que le retour à poèmes délaisse, délace.

 

Anywhere out of ce que le présent étoffe, fuite en avant toute, dehors dehors. Une poésie du surexposé que la performance tient en haleine. L’insolation plurielle. L’intériorité extérieure toute, retournée comme un gant, segment par saignement, partiellement, parcellement, par ciels, par cols, par vaux son dedans  à redents. Extérieur nuit, plans rapprochés, didascalies.

 

« tu brûles de tes propres riens / la paupière soulevée / une brise est tard / une lune est jour » 

 

S’épand et se rétracte le vers à vers en moins que parataxe, dans l’intact, l’intangible, le moins que rien, dedans dehors, bord à bord mille sabords fracassés. À bout, à force, quelques points suivis de minuscules, reprenant souffle, scandent le retour du refoulé foulé et refoulé jusqu’à résurrection du poème.

 

« depuis que le soleil a brûlé / sous les ongles / des bouts de peau de soleil » ; « le soleil taille à la pointe de son radius dans nos / yeux des taches noires » 

 

Alternent proses vers à vers aléatoires et poèmes au rythme circadien – selon que le souffle monte et s’ébruite, que monte et s’ébroue de la noyée de rêves le ruissellement, que prise déprise elle hoquette, criblée de soleils. À la syncope, à la butée. 

 

 

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