La Reverdie, d’Olivier Domerg par Christophe Stolowicki

Les Parutions

15 oct.
2023

La Reverdie, d’Olivier Domerg par Christophe Stolowicki

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La Reverdie, d’Olivier Domerg

« Sur le tapis cassant métissé de débris, un semis de jeunes pousses a émergé, conjurant la sécheresse. »

 

La Reverdie est un genre lyrique du Moyen-Âge, pratiqué surtout en langue d’oïl, célébrant le retour du printemps et la renaissance de l’amour chez l’animal et l’homme. Elle est ce retour, associant vert et vers qui n’ont pas d’étymologie commune. Elle renvoie bien sûr à Pierre Reverdy qui dans la dissémination du poème dans la page fait suite au mal armé d’un coup de dés. Mais La Reverdie est un titre à prendre par antiphrase tant l’amertume ici est sensible.

 

Depuis trente-cinq ans Olivier Domerg et sa photographe Brigitte Palaggi arpentent différents lieux solitaires marqués par l’empreinte culturelle ou physique de l’homme, le principal la montagne Sainte-Victoire, par exception d’autres qui le sont moins (solitaires : Treize jours à New-York, 2003). Sur les photographies, qui ne sont jamais des illustrations et composent un travail séparé, l’homme est de préférence invisible mais omniprésent, par son ombre ou ses traces, tel un muret de pierres en premier plan. Mais en trente-cinq ans cette présence s’est appesantie de chantiers et la langue officielle tout en « espaces verts » en est chargée, comme après un repas indigeste.

 

Dans toute l’œuvre de Domerg le visuel et le verbal s’entrelacent dans une intention commune, comme l’exprime au mieux le récurrent « pour toute poétique et pour toute morale » dans Le temps fait rage (2016), au titre prémonitoire. Dans ses ouvrages suivants, tel Un OS dans la carte pOStale (2020), le pincement est plus sensible. Mais jamais la reverdie n’a été polluée comme à présent, où l’écriture se serre comme le cœur.

 

Ici c’est en chute, amenée parfois par un rejet géant (« déplorant amèrement la laideur de toute déprédation, // cette entorse à notre sujet » ou « Des jaunes, des blanches, des mauves, et puis quoi ? Des fleurs ou couleurs, par touffes, bouffées éparses, colonies sporadiques et dispersées // […] Rien qui ne vienne briser la simple rengaine, le récitatif trop bien huilé du poncif ») que la poétique inscrit à faux sa note dans le paysage.

 

La parole mise en abyme de la nature – et l’inverse dans le dévoiement.

 

Texte, au reflux de tout voyage, dont le lieu est un parc municipal. L’auteur doit s’en retirer « sous l’assaut hystérique du “musca” suceur de sang », réduite sa « marge de manœuvre » par l’action des services compétents qui l’ont privé de ses arbres chers.   

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