Projectiles au sens propre de Pierre Senges par Jacques Barbaut

Les Parutions

16 janv.
2020

Projectiles au sens propre de Pierre Senges par Jacques Barbaut

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Retour à l’envoyeur

 

 

Entre « la tarte de l’art pour l’art », « la tarte de sidération partagée », « la tarte tombée pour rien » et « la tarte pour avoir le dernier mot »…

Évitant « le conflit du paris-brest contre une omoplate » (puisque le film a fait un four),

Pierre Senges — arbitre des élégances, maître de ballet — saute du coq à l’âne

— « le coq est Søren Kierkegaard, l’âne Kiki de Montparnasse » —

sans en passer par Deleuze, Gilles — « Quest-ce quun visage ? Système mur blanc / trous noirs », de mémoire —, le contournant adroitement, ni même par une certaine « gazette bimestrielle d’orthographe et de poésie » — souvenir, souvenirs

Il fait se confronter — face à face

— ou, à ma droite :

Stan Laurel, gagman de Californie (épaulé — épaulé-jeté — par Hardy), 

armé de sa déclaration about La Bataille du siècle (The Battle of the Century, court-métrage, 1927), dont une bobine — le film en rouleau, non le visage, la binette, la bouille — manquerait,

échos du burlesque, « quand il a été inventé, quelques années après le filament et le téléphone », le plus long attentat pâtissier — un record du temps du muet (ou dix minutes d’entartrages, entre peaux de banane et courses-poursuites, sur pellicule), et non sans le renfort salarié de cohortes d’« assignateurs de significations » (les descendants des herméneutes et des exégètes) expressément engagés :

« On a voulu faire en sorte que chaque tarte ait un sens. »

—   et, à ma gauche :

Angelus Silesius, plus léger que la plus légère — des crèmes 

ravi de la crèche, mystique allemand contemplatif

équipé de cet extrait (distique) du Pèlerin chérubinique (1657), un recueil de 1 676 poèmes courts (souvent des alexandrins), soutenu par des hordes de moniales, de solitaires de couvent, une infanterie de pères de l’Eglise, férus de Bible et de sacré :

« La rose est sans pourquoi [ohne warum]. Elle fleurit parce quelle fleurit.
Ne prend soin delle. Ne demande pas : suis-je regardée ? »

Les deux sœurs McKensie, de la Los Angeles Cream Pie Company (un empire : grandeur et décadence), vont régler les assauts — d’amabilités — de ce débat subtil, néanmoins carabiné, légèrement chicaneur, spéculatif.

On y verra passer — de cour à jardin — quelques considérations renversantes (« on ne le dira jamais assez : recevoir une tarte en pleine figure demande de savoir viser »), « des tartes de vaudeville côtoyant des tartes compréhensibles seulement d’un point de vue shintoïste » et — de fond en comble — les hauts paniers de la théologie, le Monastère des Noms infusés dans l’Eau Chaude, « les membres d’un chœur d’Aristophane déguisés en hippopotames ou en docteurs de la foi », la lévitation en tulles & l’invention de la crème Chantilly (bulles, air, bulles d’air…) rococo par le surintendant des Finances Nicolas Fouquet au fin fond de sa cellule de prison, « l’iconographie du chou depuis Nicolas Poussin (du chou expressionniste, du chou chez Eisenstein…) » (je n’invente rien, je me contente de citer **), « des ouvrages de six volumes et douze mille pages au sujet d’un seul zeste de citron »…

Produit par Hollywood (Universal ou Warner Bros). Illustré par Bretzel et Bretelle. Avec, outre les figurants ne figurant que pour leurs figures (au sens propre), leurs faces éphémères de lune enfarinée, Giordano Bruno, Rodolphe Töpffer, le docteur Caligari, John Ford, Marlene Dietrich, les frères Marx, Wittengstein et Heidegger..., et la participation exceptionnelle de Jean-Jacques Rousseau (parvenu jusqu’ici en passant par on ne sait quel soupirail), Buster Keaton, Rudolph Valentino et Henri Bergson (la crème fouettée claquée sur du vivant).

 

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*  « Encore faut-il que ça existe. » (NdPS) 
** «  Si j’ai bien compris à force de l’entendre répéter, il n’existe que des copies, l’original est toujours la copie d’autre chose. » (id.)

 

 

 

 

 

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