Titre : la revue dont on ne peut dire le titre. par Nathalie Quintane

Les Parutions

11 mars
2007

Titre : la revue dont on ne peut dire le titre. par Nathalie Quintane

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On peut mesurer la pertinence d'une revue - et l'opportunité, aujourd'hui, de se mettre en quatre, en huit, en seize, pour monter une revue papier, réunir les bonnes volontés bien bonnes, sans parler du papier ni des financements et d'une idée ou deux - à sa puissance de dégagement. Non ce qu'elle dégage, mais de quoi elle se dégage et quel paysage aéré elle offre au lecteur. J'en tiens la couverture, sans métonymie.
Mais de cette couverture, je ne peux vous parler qu'amputée, parce que je ne peux vous parler de cette couverture qu'en l'amputant. D'un mot. Ce qui, illico, braque l'assistance, et l'insistance, sur l'absent, alors que c'est de l'ensemble toujours dont on cause ou devrait causer. Ce mot seul ne peut figurer sur ce site sans lui attirer du barbant ou du plus que barbant, de même que la reproduction de cette couverture puisque ce mot la barre en grand de ses sept lettres capitales.
L'intéressant, c'est que ce mot est associé à poésie. Le titre de cette revue est : ce mot + poésie. Ce mot + poésie pourrait être imprimé presque partout ailleurs, mais pas sur le Net. Sur le Net, ce mot est comme plombé par une connotation unique, il est mono; monosémique, monophonique, monotone, monnayé.
L'amusant, c'est que poésie ne puisse, au moins sur le Net, être associé(e) à ce mot.

Poésie ne puisse, un joli titre pour une revue, de poésie.

Nous l'avons appris : Poésie ne se prend pas dans toutes les positions. Désire-t-on un mot dont on sait, ou dont on apprend vite, qu'il ne se laisse(ra) pas prendre dans toutes les positions ? Au début, oh oui. Et puis cela devient une sorte de farce à répétition : Poésie, ah oui, celle qui se présente toujours du même côté.
La couverture de /ce mot + poésie/ (puisque c'est ainsi que nous en devons parler) est ni plus ni moins qu'une photographie de la tête de la France (en coupe) : une enfant sage, en noir et gris, serrée dans ses habits anciens, tenant un oiseau mort, avec en filigrane un lot de petites filles modèles lisant, le tout, donc, surmonté du mot dont nous ne pouvons parler et dont nous avons parlé, agrémenté plus bas, en gris, du terme poésie, dont les amateurs disent qu'elle se déguste.
Car la France, songeant aux petites filles dans leur corsage qu'on serre et qu'on desserre - ou aux jeunes gens moins sages mais qu'on songe à serrer fermement -, déguste de la poésie. En mars. Tous les printemps.
La puissance de dégagement de /ce mot + poésie/ coïncide avec l'exactitude de sa couverture. Peut-être n'y a-t-il, une fois le livre ouvert, qu'un texte qui poursuive (ou que poursuit) cette exactitude : celui d'Antoine Hummel, fable brève et parfaite de l'époque. Le reste est littérature, ce qui est encore, pour nous, considérable. Le récit domine (je ne reviens pas sur l'a priori que génère une femme ou un homme qui se présente éternellement du même côté), extrait brillant de roman (Bablon), suite sous influence Bernhardt ou Tarkos plus fine que d'habitude (que ce que font d'habitude tous ceux qui les suivent) (Oolong), texte critique qui se tient (Savang), clôture sur Jean-Christophe Pagès, et un folio photo qui prolonge en mal-aise ce que la couverture annonce.


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Association Chien
19, rue de Quineleu. 35000 Rennes.
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