Balance bascule de PFUI, CD par François Huglo

Les Parutions

25 févr.
2023

Balance bascule de PFUI, CD par François Huglo

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Balance bascule de PFUI, CD

 

      Frédéric Desmesure guitare, Antoine Reynaud batterie, Didier Vergnaud textes et voix

 

            Quand textes et musiques se rencontrent, ce n’est pas forcément pour des chansons, de l’opéra, opérette, comédie musicale, ou de la mélodie, du Lied. Didier Vergnaud ne chante pas. Ses vers, appelons cela des vers bien qu’ils ne revendiquent pas l’appellation poésie, même sonore, sont de petites coupures bien découpées, coupantes, le plus souvent de trois à cinq syllabes. Ils ne sont pas faits pour être imprimés, lus publiquement, mais pour être entendus avec et entre les sons d’un guitariste, Frédéric Desmesure, et d’un batteur, Antoine Reynaud, dont les instruments sont depuis Hendrix avec son expérience, Robert Fripp avec Brian Eno, et beaucoup d’autres, devenus électroniques. La guitare peut chanter, crier, jouer de l’orgue ou de la flûte, la batterie peut faire entendre un bruit de pas ou de cœur, un orage, une déferlante océanique jusqu’au pétillement de l’écume. Chacune des deux peut et sait orchestrer. La voix n’essaie pas de rivaliser. Elle dit, à distance. Que dit, ou qui dit cet instrument, percutant lui aussi, sinon le devenir électronique, lui aussi, de l’homo economicus, et l’animalité du sapiens en lui (ou la sapience de l’animal) qui doit se cogner ce devenir, s’y cogne, et cogne contre ?

 

            L’algorithme and blues, l’algorithme qui nous blouse, parasite jusqu’à nos vies intimes. Via l’électronique, le mot contact est contaminé par le verbe compter : « Dans un coin de ma tête / On s’est beaucoup comptés /  Est-ce que ça compte ? ». Mais quel que soit le medium, « sur la langue / on circule vite ». Et si « tes règles sont des têtes à claques », on peut toujours « faire une liste et passer par-dessus ». Car heureusement « nous sommes difficiles à suivre / à compter / difficiles à vivre / à manipuler / à exécuter / difficiles à échantillonner / incompréhensibles ». Ciblés de partout, mais difficiles « à prendre pour cible ».

 

            Sans cible, mais pas sans arc ! Celui que nous pouvons retrouver est l’idée « que tout est à nouveau possible ». C’est « ton corps vivant » qui « retrouve cet arc / en révolution / cette courbe qui va au-delà de l’enfance / qui va au-delà du vivant / face et droit devant / puisque c’est encore vivant ». Les monnaies d’échange sont pesées, avec la polysémie des verbes balancer (dénoncer, jeter, swinguer…) et passer : « passe par moi / dans la gueule » ou par un « mot de passe ». Retrouver l’humain ? Vergnaud ironise : « la nature humaine, je trouve ça correct / je me demande d’où elle sort / (…) / la nature humaine n’existe pas / ce n’est pas la peine d’essayer / je n’en veux pas / je m’en débarrasse ». Bakounine via Ferré ajouterait : c’est comme Dieu s’il existait.

 

            « Avancer » entre « apnée » et « archet » : jeu « dangereux / et pas qu’un peu / on vole / à bras ouverts / on brûle / on va se calciner ». Ou tomber du mauvais côté ? Car « je suis une monnaie organique / je te la donne / si tu me la rends / un rendu pour un donné ». Ou pour rien ? « c’est un gouffre / on s’arrête on ferme / dans un coffre ». Au pays des merveilles de big data, « les barrières sont libres », bel oxymore ! Et « je m’empresse à fournir mon adresse / dans l’intérêt de tous ». Mais le coffre fuit de partout. Éloge de ces fuites, PFUI expérimente une tout autre liberté.

 

 

     

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