nique d'Ana Tot par François Huglo

Les Parutions

08 févr.
2021

nique d'Ana Tot par François Huglo

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nique d'Ana Tot

            « Chansons, etc. » mais ni « nique ta mère » ni « nique nique » (juste quelques « nonnes / qui au péché s’adonnent »). Ce ne sont pas des paroles de chansons (en écrire c’est, selon Gainsbourg, poser des rimes sur des lieux communs). Ce pourrait être du slam ou du rap mais c’est plus proche de Pierre Repp : « Si c’est un jeu, c’est un jeu "tue-îles" à la façon d’une tectonique des plates —d’une tectonite des pla-QUEs… tec-to-NIQUE… ». Ou : « LAMORU’ est un élément syntactique—…taXIQUE ». Proche aussi d’ « Osez Joséphine » : « Ose Ana » (refrain. Un autre : « tut tut », pour un homme tu « vêtu en tutu (…) tutututututu me déconcertes »). Tot : antidote. À l’esprit de sérieux. Aux moralismes victimaires, aux meutes identitaires : « ça puise son identité dans l’anonymat, (…) ça s’identifie dans la métamorphose, (…) ça se construit, ça se forme, ça lutte pour se former pour et contre la forme », car « la forme pense », comme « la terre pense ». Ça peut rappeler Jean Constantin : « réticent / résistant à son chat / à son charme / à son charnier charnu / à son charabia ». Ou plutôt Boby Lapointe : « s’amouracher d’un chéri / d’un frédo frétillant / d’un domi dominant / qui dit peu mais qui nique / un pseudo mari sodomite / ami mythomane à mi-temps / (…) / monté comme un âne / comme un ananas / comme un analphabète ». Un Ana quoi ? « L’anneau de luxe / l’anneau de lune » ? « L’anneau soumis ânonne à nu » (ah, nonne à nu…). « Saucisse et anneau s’associent ». C’est scabreux, comme la chanson de Trenet : « Au clair de la lune / La petite Anna / Va cueillir des prunes / Avec son papa / Son papa lui donne / Un morceau de chocolat / Ah qu’elle est mignonne / La petite Anna ». Chez Ana Tot : « J’étais bergère ma mère cueillait des lilas / j’étais bergère mon père les cueillant dans mes bras / (…) / Ses mains larges comme le ventre et mon ventre aimait ça / (…) / Si c’était jour de lune il passait par derrière / Nous mangions des noisettes et mon ventre aimait ça ». Ça chuchote : « ces queues c’est que sexe sec s’ex » (cuse, plique, purge, pose, etc.). Quand « le prépuce ronge son frein », sous le gant blanc « le grand gland penche et flanche ». Quand « le bout bout / le vagin geint / la bite lévite / et le con fond // près du précipice / prospère le pénis ». D’abord « le bout bute sur le bouton », puis « le bout bombé déboule » et « dans le col du con se colle dans le moule se coule au con ». Enfin « le vit déverse une lave laiteuse », et « la vulve avale la salve du vit » avant de vomir « un vit sans vie ». Quant à « l’érection du clitoris », rythmée par des bonds de lapin, elle forme un triangle dont le sommet est un « o » et la base le vers « aperçu sous les lèvres plissées l’appendice oppressé a percé ». C’est, c’est, c’est : c, c, c, titres des huit sections : c omptines anciennes (poèmes d’amour…), c ouples moteurs (poèmes-machines), c rêve l’écran (pestacles), c olonnes, c arnet de voyage en bonhomie, c ouplets, c opules, c rapules. C'est à dire et à chanter, « à crier et à danser », selon le vœu de Pierre Albert-Birot.

TRIPLE « PLAIDOYEAH »

« J’aimais les peintures idiotes, (…), refrains niais, rythmes naïfs »
(Arthur Rimbaud, Une saison en enfer)

« La vocation des mots, c’est leur vocalise même »
(Michel Seuphor, cité par Jean-Pierre Bobillot in « Haine de la "musique" = peur du non-sens : trouées et censures de la vocalise poétique », Université Stendhal, Recherches & travaux n° 78)

« C’est une question de santé. La maladie : l’académisme des formes obèses de rhétorique, cancérisées par la subjectivité lyrique, épuisées par l’usage patrimonial. Le remède : la légèreté "naïve", la ligne sommairement cadencée, l’objectivité sans voix propre, la vitalité triviale de la chansonnette »
(Christian Prigent, « La lyre et la flûte », Europe n° 1091, mars 2020, poésie & chanson)

            En avant la zutique !

 

 

 

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