Un amour impossible de Christine Angot par Jean-Paul Gavard-Perret

Les Parutions

16 sept.
2015

Un amour impossible de Christine Angot par Jean-Paul Gavard-Perret

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Celle qui comme Christine Angot a choisi l’écriture pour manière d’être ne fait rien de plus que d’évoquer l’enfance en son jardin de cendres comme un temps rigoureusement clos sur lui-même. Elle ne fait que nourrir ses mythes et ses fantasmes mais sans jamais s’ouvrir sur cette présence – présence jadis réelle ou non dans son cas – qui demeure seule à pouvoir conférer sens, valeur, plénitude.
 
Angot non sans prétention feint de confondre l’écriture et le partage. La supercherie est grossière mais comme l’on dit « ça marche ». Les mots censés définir un passé enfoui n’identifient rien si ce n’est une manière pour l’auteure de s’absorber dans son égo en faisant la part la plus belle à la judéité maternelle. Le texte secrète néanmoins plus d’ombre que de lumière. Le désir de savoir est ainsi remplacé par celui de posséder le lecteur, de le mettre en échec au profit de la créatrice elle-même. Elle le prend à l’ordre des mots dans le plaisir d’une course inutile où feint de s’émettre une vérité du texte qui représenterait l’acmé de l’esthétique, de l’éthique, du religieux et de l’existentiel.
 
On est loin pourtant des grandes proses cruelles ouvertes à tous les possibles au sein de la parole. N’est pas Beckett qui veut. Chez Angot, la prétendue cruauté et crudité ne consistent qu’à rappeler ce que chacun sait et que l’auteure ne fait que ressasser en tant que fonds de commerce. Feignant de conjurer le passé elle s’en délecte par une sorte d’approximation « métaphorique » de l’existence au sens où l’on parle d’une religion négative, d’une religion de la négativité.
 
Nul ne sait dans un tel livre quel nom laissa vraiment son vide en pâture au désir. L’écriture bien loin de relever le gant, se détermine dans un égotisme qui ne prend même plus soin de justifier son avènement. La propension du moi qui ne cesse de s’étoffer, de se gonfler sous prétexte de s’approcher du cœur viscéral de l’être au nom d’une auto-fiction auto-compassionnelle qui n’a qu’un but : le plaidoyer pro domo. Pour apprécier le livre il faut aimer un genre où l’écriture se donne comme  une parade de mise à l’épreuve, une illusion d’unité, un soupçon de puissance.

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