Alexandre de Guillaume Condello par Jean-Paul Gavard-Perret

Les Parutions

17 juil.
2016

Alexandre de Guillaume Condello par Jean-Paul Gavard-Perret

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Guillaume Condello propose un chant particulier dense et aéré, ouvert et âpre. Chose importante : l’Histoire et le réel y sont « remontés»  pour les « redessiner » puisque les rassembler est impossible. C’est pourquoi en dépit de son « matérialisme », le langage devient l’odyssée de l’humain même si le nouvel Ulysse ignore le lieu que l’auteur nomme

«  Terra

                de nul

                de personne

                de rien

on dit

          une île

                        nulle

          par là

et ses fruits à cueillir »
(p.163).

Evoquer le rien n’est donc pas implicite. Cela nécessite une poétique qui explore d’autres courants. Au « je ne suis plus rien » répondent par la bande les voix qui se sont tues - de Sophocle à Shakespeare, de Kafka à Beckett. Dépeçant le poétique d’une brillance anecdotique des effets de réalité muséale l’auteur propose une nouvelle grille de lecture de lieux plus ou moins interlopes ou de bords perdus. En conséquence le poète étage - en 35 temps - des columbariums d’un nouveau genre : le texte ne précède plus ses cendres, une lueur électrique montre une route qui n’est pas simple : elle doit franchir bien des frontières et des écluses.

Se joue une partie (parlante) de cartes : le poète y aboie contre les chiens d’hier et d’aujourd’hui selon une « politique » : celle du chant capable d’offrir une contre-histoire. Tout un mouvement du "change des formes" réclamé par Faye à la littérature  suit son cours afin, sinon de changer de manière aléatoire les choses, du moins de tordre leur apparence. 

« Alexandre » reste une expérience littéraire jamais dévorée par un pur formalisme. Le discours cherche son sens dans l'immersion au sein des âges de l’humanité. S'instruit le chant morcelé et ponctué de descriptions qui n'ont rien de balzacien. Peu à peu l'île "de rien" de l’Histoire se dégage de son mensonge là où le texte s’enroule et se développe de manière complexe. La scansion place le lecteur dans un état particulier. "Cosa mentale", elle mêle sensations et interrogations intellectuelles en une musique de la langue venue de partout et de nulle part.

En saisissant la pensée à la racine de l'Histoire, Condello sème des grains. Ils nourrissent un lieu de l'impalpable. "Alexandre" montre en conséquence combien l'écriture ne peut jamais saisir d'emblée une vérité ou une finitude. Un mur en sépare. Trop d'écrivains tentent d'aplanir cet écueil ou feignent de l'ignorer (puisqu'il les dépasse). Condello, à l'inverse, se bat contre lui. Cette lutte donne à son écriture toute sa valeur critique.

La contestation ne se contente pas du simple déroulé du logos. Par le montage des multiplicités le traversent de part en part en vertu d’un exercice de dépense afin que l'être du XXIème siècle ne soit plus le fameux homme aux loups de Freud qui évoquait des chevreaux. Le père de la psychanalyse lui rétorqua en substance  : je retire les chevreaux, il reste un loup : c’est donc ton père. L’Homme aux loups se sentit plus fatigué que jamais. Mais Condello - sachant que le vide jouait avec sa page depuis que l'Histoire reflète une image de sa lumière - écrit afin que l'être soit bien différent de cet homme. Jusqu’au sein des Z.A C. bucoliques en plastique il pourrait finir par trouver une ouverture.

 

 

 

 

 

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