Configures de Typhaine Garnier par François Huglo

Les Parutions

25 juin
2021

Configures de Typhaine Garnier par François Huglo

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Configures de Typhaine Garnier

            Configures : confitures de figues, de figures, de configurations. Reconfigurations de « sources » textuelles et picturales citées à la fin : l'Almanach de Michel le jardinier, Ovide, Virgile, Villiers de l'Isle-Adam, Sade, Catulle, Bloy, croisent Botticelli, Picasso, Henri Rousseau, Balthus, la grotte de Lascaux et la Dame à la licorne. La pongienne « figue de paroles » fond amoureusement dans une lettre, réécrite sous le titre « petite fringale », de Sade à sa femme : « ma compote de figues / mon pâté d'anguilles / rillettes de ma diète / première fraise de mes pensées ». Répartis sur cinq sections (Nouements, Serrements, Ressassements, Fraîchissements, Dénouages), ces titres-programmes romanesques annoncent moins des récits que des tableaux : Vision du paradis avec une dame en coquillage, La même ou pas en bovidé mal éclairé, Grand nu au mazout, Photographies anciennes en costumes d'époque, Un jeudi dans l'atelier de l'artiste, Autoportrait dithyrambique en boucle, non sans Interrogations sur le motif ni Hésitation sur la nuance. Poésie et peinture échangent petits dessins, petits papiers, recettes : des travaux en vers divers répondent aux défis de tableaux schématisés, réduits à des dessins en blanc sur noir. La naissance de Vénus : « Cours de lévitation ? Réclame / pour allégé plat surgelé ? / Ça sent bon en tout cas huit pieds / deux ailes six quilles de dames / en mélange à l'angle sauci / ssons font quatre roseaux ». À la Femme étendue sur la plage de Picasso, répliquent des mots-valises : « ma grande tortube / si vulvnérable ». Ses Baigneuses dessinent des lettres. Les vers aussi : entre jouer et jouir « mon CRI de jou A / ma rose chOré / grAphE ! ». Le peintre multiplie les points de vue sur une même figure, Typhaine Garnier trace par le vers une « phrase vue nue de partout », par les lettres un « VolleY » sexué (avec un « nid grec »), ou loge Babar dans « BArBAResque ».

 

            À peu près, permutations et contrepets composent, pour une « lectrice tout ouïe », des réparties de ni oui ni non : Rimbaud, absent des textes-sources, est cité partout : « doux / froufrou » (cf Ma Bohème) de « la sœur pro pudeur » (après un lamartinien «Oh ! vent voleur suspend la douche ! »), « rebouchons les deux trous rougeasses » (cf Le Dormeur du val), « le grognon nous jette des cieux / des grêlons gros comme des œufs » (cf Larme), « du mou à la poupe » (cf Le Cœur volé), « que nos quilles éclatent ? » (cf Le bateau ivre), « loin de la ville des stressés du forniqué » (cf Larme), « qu'étant poète plus qu'un autre / j'ai un besoin inouï de f… / (boue et salive) avec le gras / de tes petits boyaux Princesse » (cf Mes petites amoureuses : les « salives desséchées » infectant le « sein rond »), « À moi : on dirait que je serais le docteur / et le malade » (cf l'incipit d'Alchimie du verbe in Une saison en enfer), « pas la petite morte sous les rosiers » (cf Enfance II, in Illuminations), « Adieu ! au monde muet / je voue ma vie mobile » (entre Rimbaud et Ponge). Une joyeuse connivence relie Typhaine qui lit et réécrit à Arthur zutique et premier prix de vers latins, comme les Massacres à la dévotion, et quelque gourmande cruauté à l'amoureuse dévoration. Un délice d'insolence érudite, de virtuosité ingénue. « Confiture exquise, certes, Arthur, « aux bons poètes » !

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