K.O.S.H.K.O.N.O.N.G. n° 5 par Matthieu Gosztola

Les Parutions

10 oct.
2014

K.O.S.H.K.O.N.O.N.G. n° 5 par Matthieu Gosztola

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Comme le professe Jean-Paul Michel dans « Générosité de l'ellipse », écrire ne peut signifier que deux choses : « ou bien rêver l'écriture la voie d'un surcroît d'être à ce point sorcier qu'il fut en puissance de dessiner dans les espacements du lisible, au-delà du réel, du réel non moins réel que le réel donné antérieurement aux inscriptions humaines, ou bien rêver l'écriture la voie d'une effraction, non moins sorcière, des clôtures du déjà-là ; d'un passer-outre le champ figural par la trouée miraculeuse que paraît pouvoir procurer, par extraordinaire, la mise en jeu de certaines ressources du langage. »

Les auteurs de K.O.S.H.K.O.N.O.N.G., habitants inventifs et (souvent) laconiques, grands dormeurs, quêteurs de l'invisible, s'attachent à mettre en actes cette assertion michelienne, choisissant de donner foi soit à la première partie de la définition, soit à la seconde.

Il faut louer pour cela d'abord l'entreprise conduite par Jean Daive et Éric Pesty, rigoureusement anarchique, d'une liberté libre, à rebours des conventions et des horizons d'attente, s'organisant par fragments, – par éclats produisant, en chutant dans la conscience du lecteur, puis le long de l'ineffable lui appartenant, jusqu'aux entrailles de son rêve : après être tombés sur la page : un bruit mat et jamais clinquant –, louant le disparate, l'hétéroclite, l'essai et la poésie, le dictionnaire et le récit de rêve, le fragment et le paragraphe argumentatif (quoique souvent creuset de l'ellipse), ne donnant jamais l'obole à notre fantasme mallarméen d’œuvre totale, et – par cela même – de plénitude, n'écoutant jamais la façon que nous avons d'être fascinés – et menacés, à hauteur de la façon que nous avons d'être fascinés – par l'équilibre.

En ce numéro, outre un fragment intéressant de Michèle Cohen-Halimi sur Le Docteur Faustus de Thomas Mann, nous touche l'écriture toujours délectable, et cernée par la brume, par le sommeil, par la mort, de Claude Royet-Journoud : « Un chemin discret bordé d'arbres à peine visibles. Ne pas entendre, ne pas comprendre. Est-il armé, incapable de prendre la lumière ? ». Nous revient en mémoire la voix d'Anne-Marie Albiach : « Pour déchiffrer quelques mots effacés dans la pierre elle montait régulièrement le même chemin […] en plein vent […] ». Nous ébranle cet aphorisme en vers de Phippe Beck (in « Dignité-Plaquant 2 ») : « J'écris avec la trace des acceptés / lavés. » Et si, « [d]ans la farandole des atomes qui est à l'origine de l'univers Lucrèce retient les lettres de l'alphabet » (Siegfried Plumper-Huttenbrink), toujours l'on revient – même sans le dire, pas un geste, rien qui puisse contrarier le murmure des sources – à Rimbaud : « N'est-ce "le signe solaire" ? / Moment d'éternité. / Mais à la fin ? / c'est infini [...] » (Alix Le Méléder, « Maintenant sans ailleurs »). Toujours l'on revient (et notre chuchotement est aveu) à Eve, portée depuis le 18 septembre par une édition à sa mesure, en la Bibliothèque de la Pléiade: « Ses beaux cheveux noués le long de son sarrau, […] / [S]es yeux qui tant avaient guetté les hirondelles […] ».

 

 

 

* Charles Péguy, Œuvres poétiques et dramatiques, nouvelle édition sous la direction de Claire Daudin, avec la collaboration de Pauline Bruley, Jérôme Roger et Romain Vaissermann, Paris, Gallimard, collection Bibliothèque de la Pléiade, n° 60, 2014, 1888 pages.

 

 

 

 

 

 

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