Aubépine, Hiatus, Kremlin, Netflix & Aqmi ou les Baisetioles de Manuel Joseph  par Nathalie Quintane

Les Parutions

07 juin
2020

Aubépine, Hiatus, Kremlin, Netflix & Aqmi ou les Baisetioles de Manuel Joseph  par Nathalie Quintane

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Aubépine, Hiatus, Kremlin, Netflix & Aqmi ou les Baisetioles de Manuel Joseph 

Le titre le dit : Aubépine, Hiatus, Kremlin, Netflix & Aqmi ou les Baisetioles — on va (a)voir tout le bataclan. En l'occurrence, l'attentat de 2015, qui est au cœur d'Aubépine et dans tous les coins. Pourquoi « aubépine », d'ailleurs ? Peut-être parce que premier mai, ou bien parce qu'elle transpercerait le cœur des vampires, ou encore parce qu'il y a pine dedans ; va savoir. 

C'est bien vrai, comme le dit Christophe Hanna dans sa préface, que « toute l'écriture de Manuel Joseph est de nature exploratoire, qu'elle constitue une forme neuve d'analyse des médias [j'ajouterais : d'assassinat des médias en distanciel, comme on dit de nos jours], mais aussi qu'elle réussit à être cela précisément en désancrant la poésie de sa position de retrait pour l'instituer en espace méta-médiatique intégré à la médiasphère [j'ajouterais : qu'elle envoie se faire désintégrer] », phrase qui permet d'éclairer notre frère (lecteur), sœur (trice), dans ce dédale de bombes incendiaires où il/elle est guidé.e, c'est-à-dire perdu.e, par un personnage récurrent des explorations (donc) poétiques (re-donc) joséphiennes, Elsa, une fille « peu soucieuse de la Convention de Genève ». 

Bon. Pas sûr que le poète adhère à la mallarméenne bombe (Hiatus + trop de colle) ; en revanche, il envoie, par exemple paronymiquement : truie glisse en tuerie glisse en truie page 53, qui « remercie le groupe Lagardère pour ses efforts » (à la réouverture du Bataclan deux ans après l'attentat), ce même groupe « devenu filiale du fonds souverain de l'émirat du Qatar » lui-même financier « au Mali d'AQMI, ainsi qu'Ansar Dine, le MUJAO et le MNLA, par le biais du Croissant-Rouge du Qatar ». La poésie, ça nous apprend des trucs ou ça nous les rappelle. 

Après, comme signifié en ouverture, c'est le bordel et le bataclan, dans ce feu-catalogue d'exposition (photos de pièces de Moulène en gage) presque aussi re-dé-composé que Les filles du feu de Nerval. En dernière partie, par exemple, et en place des sonnets « ésotériques » de Gérard, on a un long échange de mails privés, moment autobiographique pur de vie de poète où, sans surprise, il est beaucoup question d'argent, c'est-à-dire, quand on est poète, de l'argent qu'on vous doit et qu'on ne vous donne pas (ici, fondation Ricard — peut-être le sens de la fin du titre ? les Baisetioles, ce serait les poètes qui se font baiser par les fondations ? Hypothèse). Joseph a toujours semé ses livres de balises claires quant à sa position, ici via Elsa : « J'en ai fini avec la littérature telle qu'elle se décline aujourd'hui partout. », ou bien dans cet extrait de Poe dupliqué pour y ajouter, après la description d'un « monstre » de la nature : « (…) et je réussis finalement à le faire lui-même se divertir de cette aberration, les perspectives dépravées de la forme ne lui étant pas étrangères. », ou encore graphiquement par : Je/refuse/de/composer (lui-même sur-composé), ou, à propos de la présidence Hollande, par cette rime pauvre : « un quinquennat de verrat ». 

Ah oui : pataclan, en picard, c'est le « bruit d'un corps qui tombe » 

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