La Chambre du milieu d'Anne Parian par Nathalie Quintane

Les Parutions

12 déc.
2011

La Chambre du milieu d'Anne Parian par Nathalie Quintane

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Il y a solution de continuité entre Monospace, le précédent livre d'Anne Parian chez P.O.L. , et La Chambre du milieu ; il y a solution de continuité entre et à l'intérieur de La Chambre du milieu : la continuité, c'est l'interruption, et l'impossibilité d'entrer ou de sortir, car nous y sommes toujours déjà, de mémoire, dans cette Chambre, qui est ce livre, qui est un monospace.

Nous, c'est eux : elle et lui, la sœur et le frère, dont elle s'occupe. La Chambre du milieu est la mise en phrases, toutes séparées, détachées, de l'occupation d'une sœur par son ou ses frère(s). De ce cloisonnement. De l'anticipation de la contrainte d'avoir à respirer le moins possible ou alors. D'une enfance, aussi. Qui pourrait être n'importe quelle enfance, moyenne, dans le Sud, dans les années soixante. Mais ne l'est pas.

Tout est pourtant fixé, montré, de temps à autre, pour que reconstitué par nos propres souvenirs mêlés, il s'en produise le plaisir attendu d'une reconnaissance : la technique pour gagner aux billes, le savon de Marseille, les bains dans la rivière, être assise toute petite sur des marches au soleil, ou :

On peut manger des glaces pieds nus en sortant de la rivière à Mialet. Il y a du ciment sur le sol de la Guinguette aux Plans.

(...)

Quelqu'un peut à chaque instant arriver fendre le rideau multicolore contre les mouches.

(...)

Sauf qu'il y a quelque chose de pourri au royaume de l'Enfance, et que ce livre le dit avec une précision, une sensibilité, et surtout une constance - une constance non-insistante - rares.

Je connais depuis longtemps l'école. On y contraint les enfants comme des adultes nains.

(...)

J'existe comme les pissenlits.

(…)


Les adultes y apparaissent autant comme des êtres dont les caprices sont incompréhensibles que comme des êtres en proie à des dégoûts incompréhensibles :

L'odeur des œufs durs l'indispose aussi bien en voiture qu'en train.

et comme des êtres incompréhensibles tout court :

Il a des béquilles terrifiantes alors qu'il ne s'est jamais cassé la jambe.

Qu'il n'y a rien à comprendre, rien à attendre, seulement à avoir peur ou du chagrin, cela passe dans les courts-circuits syntaxiques :

Nul ne pleure comme à ce moment. Ni pourquoi.

La dernière phrase, qui n'est pas plus la dernière que la première n'est la première (d'un cercle on ne sort pas), est :

J'appelle du fossé de ronces dans lequel je me débats sur le dos.

Un excellent cadeau de Noël.
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