Gaston ou la vieillesse (extrait) par Alain Frontier

Les Poèmes et Fictions, poésie contemporaine

Gaston ou la vieillesse (extrait) par Alain Frontier

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   ... vous avez souffert vous souffrirez encore je hais, les mensonges qui vous ont fait du mal, cet échec vous a surpris vous en cherchez les raisons je vais vous les dire, notre défaite est venue de nos relâchements, l'esprit de jouissance l'a emporté sur l'esprit de sacrifice on a revendiqué plus qu'on a servi, la démoralisation, la désorganisation comme gangrène la paresse et l'incompétence parfois le sabotage, aux fins de désordre social et de révolution internationale, une opiniâtre et détestable politique avait accumulé sur notre sol, vous m'avez appelé, eh bien le Maréchal, le voici, je viens vous tenir compagnie d'une voix cassée par l'émotion, je fais à la France le don de ma personne pour atténuer son malheur, j'ai tenu à venir parmi vous me voici, accueilli par des manifestations si touchantes et si confiantes, serrez-vous autour de ma personne, groupez-vous derrière votre Chef n'ayant plus dans vos cœurs que des pensées françaises pensez au Chef entendez votre Chef qui vous aime debout sous les orages, et souffre comme vous, avec vous, je m'adresse à vos cœurs et c'est le cœur serré que je vous dis, ma compassion nous ferons une France, organisée, où la discipline des subordonnés réponde à l'autorité des chefs, car le cœur humain ne va pas naturellement à la bonté, la volonté humaine ne va pas naturellement à la fermeté, à la constance, au courage, ils ont besoin pour y atteindre, pour s'y fixer, d'une vigoureuse et opiniâtre discipline, le premier devoir est aujourd'hui d'obéir, la discipline de l'école doit épauler la discipline de la famille, un état fort, la liberté à l'abri d'une autorité tutélaire comprenez bien, le sens et la grandeur du nom de Chef, le Chef est à la fois celui qui sait, se faire obéir et se faire aimer, ce n'est pas celui qu'on impose mais celui qui s'impose, des vérités simples, des vérités claires que vos maîtres sans doute ont oublié de vous enseigner, un ordre nouveau commence, épuration de nos administrations parmi lesquelles trop de Français de fraîche date, répression de l'alcoolisme qui est en train de détruire notre race, encouragement à la famille et au travail, révision des naturalisations, loi sur l'accès à certaines professions, interdiction des grèves, un même effort d'assainissement l'…tat, sera hiérarchique, et autoritaire, fondé sur la responsabilité et sur le commandement, de haut en bas, ne reposera plus sur l'idée fausse de l'égalité naturelle des hommes, chaque profession, chaque métier aura son élite, le principe qui a fait la grandeur de la nation française et de sa civilisation chrétienne, je vous invite à rompre avec l'idéologie absurde et malsaine de la lutte des classes et demande aux patrons aux ingénieurs aux techniciens aux ouvriers de travailler et de collaborer d'un même cœur et dans la discipline... (17 juin 1940 - 20 août 1944)

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   Dans la maison d'…tréchy (je ne peux avoir inventé ce détail), une carte postale représentant le maréchal Pétain était accrochée au mur, entre salon et chambre des enfants (qui fut plus tard salle à manger). Puis disparaît (vraisemblablement peu après 1942, retour de captivité de Gaston ?), sans que je me souvienne d'une condamnation explicite. D'autres objets quotidiens banalisaient l'image : monnaies à la francisque (…tat français -Travail Famille Patrie) et timbres-poste à l'effigie du vieillard. Ai-je jamais chanté Maréchal nous voilà sur les bancs de l'école ? (J'entrai dans la classe de madame Pontal - « l'école en bois » - le 1er octobre 1942). Puis l'image De Gaulle évince l'image Pétain. Un sauveur chasse l'autre. Les photographies d'époque montrent la foule acclamant d'abord le Maréchal , cinq ans plus tard le Général.