Mocassin, je me prépare de Natacha Guiller par Carole Darricarrère

Les Parutions

05 oct.
2020

Mocassin, je me prépare de Natacha Guiller par Carole Darricarrère

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 Mocassin, je me prépare de Natacha Guiller

 

Tempête sous un crâne, « la cité sous les tempes / temple d’idées profuses » & d’autres trouvailles.

  1. Prince n’était pas

: Natacha jamais aphone s’engouffra dans les maux avec la verve joyeuse des électrons libres papillonnant de sollicitude, déboulant rebondit, troussant la moindre occasion s’en saisit, forfaiture jamais ne déclara… Surfaçant vite tout ce qui se prépare, gourmande de se connaître mille fois traversée, mocassin malheureux pied nu passé minuit retombe, talon citrouille sur la pointe calèche d’un pied de nez.

Un mocassin n’allant jamais seul Natacha est une drôle de nana. Il lui arrive toujours des coups pendables. La réalité lui tire volontiers une balle dans le cœur. Sa vie un gag est tout-un-délire déluré fusion matière à poème. Rebondit telle une balle avec l’énergie graphique des résiliences radieuses.

Pique et cueille, un dessin, flûte et flèche, son destin, son plein de mots listés n’a pas son pareil au même, push-up à la boutonnière pour rire à poil d’un rien et tout, Natacha rime avec Aïshka, mocassin avec peau de banane, vitesse oblige jeunesse à l’oranginalité.

« J’avance sur un terrain expérimental neuf - (Le yyxxzzzz) - à un âge de la vie où certains - la plupart des gens - ont déjà exploré à l’os les relations humaines à s’en névroser, les ont sinon figées en une structure dite familiale et engagée - plus ou moins futé - sur un périple long terme, le plus fréquent sans avoir étudié la météo préalable. »

Cela commence par un colimaçon de mots emboîtés à la ronde dans une formule magique d’enkystement qui ressemble à un bouton de porte, ouvre sur une page de dessin chaos et c’est le début de la tempête, tambour battant dans le désordre avec constance très vite dans l’oralité bouillonne des mots plein les mains, cherche sa chaussure pardon son mocassin, sans rire c’est drôle, cette impression bonne d’embarquer bille en tête dans une bagnole qui n’aurait pas de freins sans destination connue : il faut s’y préparer, il y a beaucoup de récifs en rut et le narratif sans répit est un écheveau de repères à tutoie haletant à s’y paumer, hasardez-vous embusqués à lire par rasades « l’imparfait manuscrit / une rencontre impossible », ne résistez pas à son titre intrigant, poussez la porte.

Avec de beaux moments bizarres plein de phéromones passant phalliques de corps à corps ne laissant jamais sans surprises, un couteau de coutume planté dans le décor telle une épée de Damoclès à la lune tous les chats sont noirs.

« l’écueil du temps
cette tentacule flexible
les remparts éparpillés
sur la tempe »

Et d’autres contemporains à souhait, solides escamotés jouant malice avec des mots musclés en dents de scie, mocassin ne rime pas avec lacet, concorde avec croisade, dur c’est dur quand cela s’entête sans s’écouler.

Je like « Comment d’instinct papillonner au présent ? // Le ciel ouvert a rapiécé l’air de rien le souffle du temps continue de filtrer houx que tu tailles », il y a des dérivations naturellement réelles à l’obsession de vouloir dans le texte, des tempos de pause et des attentes pied contre pied dans le couloir au petit jour.

De lévitation en ascension Natacha bazar gravite chaussette, sachant que la chute n’en sera que plus dure, Antoine l’obscur, se souvient qu’il y a des « lardons dans le frigo ».

Poursuivant cahotant d’un tapis à roulement l’autre, bateau baroque au cœur de l’eau d’un texte féminin pluriel j’use de ma jeunesse enfuie, l’irrésistible irruption de la jeunesse dans le texte ranimerait un mort. Je donne ma langue au chat et lui demande ce qu’il en pense : « une expérience de l’autre, modulable », addictive. Jouer avec. Ne jamais sous-estimer la souris. Saupoudrer et secouer le tout. L’envoyer en l’air.

« Je t’expédie un texte du vide, tu peux le manger ou l’envoyer paître dans le cloud » me rappelle de vieux souvenirs qui ne manquent ni d’air ni d’humour, à ce stade le chat joue de la guitare, le livre ne pèse rien, format pratique atypique 12 x 17,5, 99 grammes voyagent léger, un joli mocassin gris, fun & funk, de survivant transcontemporain, « une passerelle est-elle un rempart », un rempart est-il une illusion à dépasser, le chat est d’accord, la dépendance est une maladie d’amour « tellement tort », toute une vie se prépare ici à l’adépendance, crayonne en rond dans les marges, écrire se ronge les ongles, de temps en temps une arrière-saison octroie à Aïshka de voir la vie en rose vernis, bonbons « nos cœurs/déjà aïeux », « chair, vous caillez » de péricliter.

« oublie-moi / oublie-moi // oublie-moi », « En guise d’impossible dialogue » « J’ai beaucoup de questions que j’aimerais te poser », pessimystiquement à l’autre me prépare, connais soit toi-même.

Une lecture en montage soutient le principe que la morale de l’histoire se trouve page 32 et 33 en vis à vis, deux pages plus loin les lignes d’étranglement se décentrent de la gauche vers la droite, Natacha est pour ainsi dire sauvée, prenant l’eau il ne lui reste plus qu’à prendre la mer et le ciel à témoin, de papillonne à pirouette le vif de l’air se fait sujet, ça va mieux sans lui, « planète qui s’étale en d’infimes phrases hachées course à l’embarquement en capsule étanche calcul aux étoiles // l’orée d’eau habitable », Natalia respire, mocassin se fait sandale et rebondit en bateau ivre, rien jamais plus n’enfermera le pauvre pied délivré en poésie.

 

2. Les histoires de crapauds ne se mangent pas en salade, la mer en pluie de sutures y remédie

: des maux aux mots, du chaos sous contrainte au k.o. de la découverte de la sensation pure, Natacha naît odyssée libre sous le signe minéral de l’eau, l’eaumniprésence germinative pousse la possibilité à aimer tout court et la langue à mille ruses facétieusement correctes, contorsions, performances à plat dansées pieds nus sur la pointe du stylo en solo et verticalité remue rendue aux mots leur puissance dans l’élasticité comme lyrisme fusion postmoderne, prouesse sans limite de la jouissance à corps et à cœur, amour décomplexé de la note de joie sans objet, hommage à vie en résonance capitale s’autorisant l’acte-là d’un instant perfusant créatif et fondateur qui donne envie de désir et suivre ses élans, Mocassin est un phénomène à part qui rend à la poésie son érectilité positivement pénétrante et va chercher au contact du corps et des choses un sens premier longuement occulté, une joie sauvage de traverser démasqué le mur qui ne fait pas semblant de vivre ; qu’il pleuve ou qu’il vente tout est fondamentalement poétique et contribue d’un récif l’autre à dénouer la notion de liberté pour mieux se la réapproprier, on obtient ainsi un positif de l’Amour sans petit a de m égal toxique ni mocassins, soit des pellicules de vent sous la plante des pieds, des phrases lourdes de raccourcis foudroyants au centre désinhibé de la galère qui vous hèlent par le haut-en-bas et vous trouvent souvereine comme jamais, vivante seule en valeur parmi mille mollusques dénervés ; reconnectez vos synapses, offrez-vous cette claque de langue démuselée, ce trip, un grand bain de satire, n’ayez pas peur de « la life » grandeur nature en majuscules, « escale vers nul port à prières », radeau ivre naufragé par le haut de la méduse veuve d’un plan initialement pourri réinventant la grammaire rubis en ses retranchements subliminaux sans se laver les mains (c’est elle qui le dit).

 

3. « D’autres plages annexes » truffées de messages codés, vagabondage cardinal d’une soupape sous la tutelle du souffle, vengeance des mots sur les maux et du réel sur la réalité, l’éblouissement étant en libre-service dans la pupille, la dépiautante mécanique de l’écorcement du poème à petits pois oblitère loin de tout rivage le « sans contact » d’une société dénaturée bien ‘chtarbée’ qui ad nauseam a failli et chante en régression à l’envi Danette Is Goodeu*, mocassin d’un pied de nez l’autre dès lors se prépare : à remballer en dansant, « rapproprié(e) en prose (...) dans l’abîmement de soi ».

Qui donc a dit un jour que « l’amour c’est donner à l’autre des nouvelles de lui-même » ? C’est fait.

 

* ‘Danette Is Goodeu’ by Danette Now

 

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