Pli âge Poëme amen âgé de Julien Blaine par François Huglo

Les Parutions

16 mars
2017

Pli âge Poëme amen âgé de Julien Blaine par François Huglo

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Le circonflexe du titre ne tombe pas sur l’a comme une moustache sur une Joconde. Allusion implicite au vers hugolien « Elle avait pris ce pli dans son âge enfantin », où le pli n’est pas moustache mais hémistiche ? Les vers suivants associent le pli au corps, un corps étranger d’ « oiseau qui passe » venu déranger les papiers, y tracer une « arabesque folle » ou les froisser. Mais Dieu, l’esprit, l’âme, reprennent le dessus à la fin du poème, referment le pli ouvert par l’intempestive et matérielle intervention de l’enfance. Julien Blaine maintient l’ouverture. Comme avant d’apprendre à lire, il joue avec l’abécédaire dont Rimbaud peignait les voyelles. Espacées ou assemblées, les lettres capitales dessinent autre chose que des mots. Chaque agglomérat est « arabesque folle », lacis, entrelacs tracé par un infra-lettrisme composant un livre d’images accompagnées de leurs légendes, en capitales elles aussi. Mais celles-ci suivent leur cours. Ainsi se superposent deux courants : dans la partie supérieure, les assemblages de lettres diversement penchées, pliées, brisées, bousculent l’ordre alphabétique : le visible s’affranchit du lisible, même si la première et la dernière lettres, chacune seule dans sa page, restent le A et le Z. Mais le A n’est pas la rature inaugurale de l’Alpha ou de l’Aleph : le …/… de sa légende suggère une analogie avec cette inscription non d’une origine, mais d’une rupture dans une continuité. On retrouvera ce …/… au bas de chaque page de droite, en blanc sur noir, le bas de la page de gauche étant occupé par des mots qui, contrairement aux lettres de la partie supérieure, s’enchaînent pour former, d’un saut de page à l’autre, une phrase entrecoupée : « QUE / DISAIT CE / TEXTE QU / AND IL E / TAIT SUR U / NE SEULE / LIGNE ? / ET QU’ / IL S’ETA / LAIT DA / NS SA LO / NGUEUR NA / TURELLE / ELLE / EL ! ». Cette phrase lisible, d’une lisibilité disloquée par les coupes et volatilisée en échos à la fin, est reprise, dans sa continuité cette fois, face au Z, comme pour le décrire : cette lettre n’est-elle pas un texte ? Ses deux horizontales parallèles, reliées par une diagonale, n’ont-elles pas été « une seule ligne » qui « s’étalait dans sa longueur naturelle » avant d’être pliée ? Toute lettre, comme tout livre, ne résulte-t-elle pas d’un pli, ou de plis ?

 

On se souvient de la préface du Coup de dés : « espacement de la lecture », dispersion de la versification, de sa « mesure ». Il y a du matérialisme dans : « le papier intervient chaque fois qu’une image, d’elle-même, cesse ou rentre, acceptant la succession d’autres ». Beaucoup moins dans « subdivision prismatique de l’Idée », dans « mise en scène spirituelle exacte ». Julien Blaine : Mallarmé remis sur ses pieds.

 

 

 



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