Les divisions de la joie, n° 4 par Tristan Hordé

Les Parutions

28 avril
2016

Les divisions de la joie, n° 4 par Tristan Hordé

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      Une revue est — devrait être — un outil de réflexion, un espace de recherche, et il faut être attentif aux nouveaux titres, d’autant plus que leur diffusion est difficile : pour des raisons évidentes, les revues qui se créent ne sont accueillies que dans quelques librairies ou, grâce au bouche à oreille, lues par abonnement. Il en naît chaque année, beaucoup sur la Toile, mais encore aussi sur papier ; parmi les récentes et au hasard des lectures, la vie manifeste, Paysages écrits, ce qui secret, : z, Aka, la tête et les cornes, Haies vives, Zone sensible… et, depuis janvier 2016, Les divisions de la joie, animée par Luc Bénazet et Victoria Xardel* et présentée comme « revue de travail ».

      Adeline Herrou, dont on connaît les travaux sur le monachisme taoïste en Chine, rapporte un conte taoïste : le don d’un Immortel (transformer l’eau en alcool) est détourné de son sens par un cabaretier cupide, et l’Immortel tire la leçon sous la forme d’un poème, « Le Ciel est immensément haut mais l’envie de l’homme dépasse la hauteur du Ciel » : alors l’eau reste de l’eau, faute pour l’homme de pouvoir comprendre ce qu’est l’immortalité. Des proses de Paul Aymé proposent une vision du monde où rien n’est à sa place : la syntaxe est des plus classiques, mais l’association des mots dans les phrases ne peut aboutir à une quelconque cohérence ; ainsi pour le début de ‘’Personne ne voit’’ : « Il y a dans mon corps des gestes qui sont arrivés plus tard. Quand l’aube se décale avec la pluie, des regrets bâtissent une maison, à l’arrière du terrain. Personne n’y entrera, car elle est faite de volets si chétifs, tous ceux qui cheminent prétendent la connaître. Le véritable enfant ne peut se plier. [etc.] » On peut craindre que ce jeu de ruptures devienne un procédé de fabrication. Différents sont les deux poèmes de Victoria Xardel, même s’ils semblent d’abord peu lisibles ; l’obscurité n’est qu’apparente et, par exemple pour le premier, alors que chaque vers pourrait être lu sans lien avec les autres le motif du départ permet d’engager le chiffrage de plusieurs lectures ; on voit là une continuité avec les poèmes de Méthode (2012). Le texte de Luc Bénazet poursuit une recherche engagée dans La vie des noms (2013) et Unités (2014) ; la phrase ne paraît pas pouvoir se construire, des fragments de mots sont dispersés, et s’inscrivent enfin comme issus d’une nuit et le lecteur reconstitue des bribes d’une histoire amoureuse — entendant que les mots sortent de la chambre à coucher —, bribes comme si toute histoire amoureuse ne pouvait être qu’une énigme.

      La revue, mensuelle, compte 12 pages (17,7 cm x 14,8 cm) non agrafées et coûte 3 € ; elle se trouve dans quelques librairies à Paris ; on peut s’abonner :

6 numéros, 20 €

https://www.facebook.com/lesdivisionsdelajoie/

 

* Luc Bénazet a publié récemment Articuler (NOUS, 2015) et Unités (cipM, 2014) ; Victoria Xardel a déjà fondé plusieurs revues, dont L’Usage, Pension Victoria, Fatigue, et a publié Méthode (Éric Pesty, 2012).

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