La poésie en question par Philippe Beck

Les Incitations

29 mars
2015

La poésie en question par Philippe Beck

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Dans la prose du monde, à lire la phrase "La poésie n'est pas une solution", on entend deux choses contradictoires. D'abord, on entend que la solution ne se trouve plus dans la poésie dont on favorise la disparition par extension (et tout devient "poétique", un peu comme on a dit "tout est politique") : on suggère que "la prose est une solution" après la poésie et grâce à elle, en somme. Ensuite, on semble corriger le décret de péremption du poème en suggérant que la poésie est une question (pendante, ouverte), peut-être la question des questions, puisque l'idée de la poésie ne coïncide jamais tout à fait avec l'idée du poème (ainsi, l'idée d'une poésie du monde échappe au simple façonnement d'un poème qui la suggère). Mais la seconde suggestion n'efface pas la suggestion première que la poésie est devenue la question dont une prose est la solution (politique, historique, s'entend) - et c'est exactement la conclusion que refusent de tirer à la fois 1) les conservateurs du poème versifié (de la forme pure en tant que forme de la "poésie pure" qui ne dit rien) et 2) les tenants d'un travail au vers, qui trouvent la solution dans la question. Car il y a des réponses sans questions et des questions sans réponses.