Correspondance avec l'ennemi de Christophe Esnault par François Huglo

Les Parutions

26 févr.
2015

Correspondance avec l'ennemi de Christophe Esnault par François Huglo

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            Reiser ? Beckett ? Les deux. Beckett donne le ton en exergue, et tout le livre tient la note :

            « En sortant de chez moi pour aller me suicider, de sublimes crétins ont dévié ma trajectoire et m’ont roulé par terre : j’étais devenu le plus hilare des hommes » (Stallone meurt).

            Reiser, ce serait pour son titre : Ils sont moches (le narrateur de ce « roman et pistolets » ajouterait peut-être « et moi aussi ») et pour la respiration du trait entre épaisseur pâteuse et finesse aérienne –un trait tremens, yeux exorbités, bouches pleines de dents, poils- Et pour la précision du tir. L’écriture « les doigts dans la prose » exige que le courant passe immédiatement. Aussi alternatif que le dessin humoristique : on rit ou on ne rit pas. On comprend ou on ne comprend pas. On veut comprendre ou non.

            Écriture théâtrale, aussi, comme les récits dialogués de Michel Ohl, qu’un comédien (Daniel Crumb et François Mauget en ont fait l’expérience à Talence, librairie Georges)  ne peut lire sans éprouver dans les jambes le désir de les porter sur scène, dans les poumons celui de les balancer dans la salle.

            Chroniques de la haine ordinaire (Desproges), ou Contes de la folie ordinaire (Bukovski) ? Là encore : les deux, les seconds disloquant la rhétorique des premières.

            Lecteurs imperméables à l’humour noir, à l’ironie et au second degré, s’abstenir. Tant pis si ça fait du monde. En feront autant ceux que risqueraient de tacher ou de contaminer des mots tels que : sucer, butane, sexe anal, cancer, (se) branler, vie de cadavre, fist fucking (il s’agit d’une pratique bancaire), minimas sociaux, baise, Nutella, chasse aux bénéficiaires de la C.M.U.

            Ceux qui tiendront le coup zigzagueront entre affinités et aversions.

Affinités : la « démarche hyper-impliquée, insolite, osée, référentielle, subversive », que la « Chère Médiathèque de Chartres » ne soutient pas habituellement. Philippe Jaffeux rencontré au Marché de la poésie : « on n’a même pas été voir les stands, on est restés à la terrasse du Café de la mairie tout l’après-midi et il m’a raconté son expérience du peyotl au Mexique ». Poutou « dans la lutte et dans la ganja ». Mélenchon rock star, « le seul showman du lot, pas totalement inculte (j’ai aussi une tendresse pour Eva) (…) Quand j’ai vu les scores, j’ai détruit une partie de l’appartement à la hache avant de prendre deux neuroleptiques. J’espérais que tout le monde aurait compris qu’il n’y avait rien à attendre du candidat socialiste (je déteste la musique folklorique »). Noguez (via Dolorès, une amie). Gilbert Joseph : « Parfois le livre n’est pas officiellement paru, déjà le journaliste vous a refilé son service de presse ». Charles Pennequin, mais en clown : « Tes pièces sonores, c’est de la trop bonne came pour les gosses qui s’ennuient à l’hôpital, tu devrais laisser tomber les résidences poétiques ».

Aversions : Éditions du Sonneur, France Inter, les « tocards de la CGT », Monsieur le Manager de l’UIFM (« La dernière fois que t’as touché un livre ça devait être en passant le code »). La « Remarquable Revue Décharge » : « Vos auteurs auraient pu écrire leurs poèmes il y a 40 ans, on ne verrait pas la différence. Votre rejet du travail sur la langue et de toute forme de modernité m’intrigue néanmoins. D’autant que cela est joliment servi par une mise en page digne d’un bulletin paroissial ». Cher libraire : « Les cartons ont tous la même provenance. Hachette-livre. On reste ennemis ». Pôle emploi : « Vos listings d’annonces relèvent du vomitif, de l’esclavage moderne et de rien d’autre ».

            Dépressif, comme le tandem Houellebecq-Zemmour ? Non. Teigneux. « L’humour bande encore » (Luz).

 

 

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