Fou trop poli d'Eugène Savitzkaya par Nathalie Quintane

Les Parutions

15 nov.
2005

Fou trop poli d'Eugène Savitzkaya par Nathalie Quintane

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Le travail savitzkayen est inégal vers le haut - c'est-à-dire que ses mauvais livres sont de qualité égale aux bons livres des autres. Fou Trop Poli est un bon livre de Savitzkaya; il évite l'écueil de la délicatesse néo-pongienne (En Vie, 1995) et les mignardises des ouvrages consacrés à ses enfants (Marin mon coeur, Exquise Louise). C'est un livre échoïque (rimes, retours) où les mots rares du dictionnaire relancent la machine, une sorte de Derviche Le Robert plus sombre : ES n'est pas BH, et l'époque a changé.
Fou Trop Poli est aussi l'un des textes les plus "engagés" de son auteur : il y parle sans détours de ses parents émigrés, de son enfance de petit d'exilés et de l'état du monde :

S'allier avec une harde de chevreuils, en association étroite, lui tétant les chevrettes, et les guidant en contrepartie à travers les propriétés privées, les collectivités privées, la ville privée de Bruxelles. Là, en d'imposants caveaux, dorment les notaires de père en fils, et sanctifiés par les rois.

Il n' y a plus à s'interroger sur l'étiquette "roman" sous laquelle paraissent ses textes - comme Bourgois hier et aujourd'hui, Lindon devait (enfin, je suppose) considérer la poésie comme le Vélosolex de l'édition - ce qu'elle est - et tenter de la "tuner", de peindre quelques belles flammes à l'aérographe sur la carrosserie. "Roman" sur la couverture permet à Savitzkaya de vendre 16 exemplaires de plus de Fou Trop Poli - de nos jours, c'est amplement justifié.
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