Club bizarre de Nathalie Quintane et Stéphane Bérard par François Huglo

Les Parutions

02 sept.
2023

Club bizarre de Nathalie Quintane et Stéphane Bérard par François Huglo

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Club bizarre de Nathalie Quintane et Stéphane Bérard

 

 

            Hommage à la revue Bizarre, fondée par Michel Laclos en 1953, éditée par Éric Losfeld puis Jean-Jacques Pauvert, qui disparut en 1968 après avoir publié 48 numéros ? Art et littérature s’y côtoyaient : Gaston Leroux précédant Grandville, René Magritte Raymond Roussel. Textes et dessins faisaient l’humour chez Folon, Chaval, Gébé, Topor, Cardon, Siné, Trez, Wolinski, Averty dont les « raisins verts » copinaient avec Hara Kiri. Bienvenue au « club » : Nathalie Quintane et Stéphane Bérard refont le geste, mais très rapidement, comme Matisse a dessiné des feuilles, Picasso des colombes, Trenet la mer par la fenêtre d’un train ou, avec Francis Blanche, la rivalité d’un débit de lait et d’un débit de l’eau. Geste d’auteur ou de dessinateur, car ils sont interchangeables. « Vas-y, c’est toi qui dessines et c’est moi qui écris ! ». D’accord, mais comme pour les chapeaux des Dupondt (revoilà Magritte), ce pourrait être l’inverse. La main qui dessine vaut la main qui écrit, chacune « sait » faire les deux, dirait-on en Belgique.

 

            On croise en texte ou en dessin la tour Eiffel en bougie sur pivot ou fusée lunaire en pétard, la Santa Maria de Christophe Colomb (ou l’un des deux autres rafiots) sombrant dans la caramelle, la Société des saisons d’Auguste Blanqui ((rappel : « la tête et le cœur du parti prolétaire en France » (Karl Marx), en 1839 une insurrection « immédiatement noyée dans le sang » (Friedrich Engels), faute de préparation, de perspectives, et de soutien populaire), une fenêtre dans un grain de café, les Brigades Rouges et Aldo Moro « retrouvé un peu plié à l’arrière d’une Renault 4 orangé garée pile entre le siège du PC et de la DC —pour un souci d’équité politique », une « tirelire (ruche) » et le partage « du gâteau à la crème parano », la nature qui « n’oublie rien et pense à toi, particulièrement, même quand tu dors », une « alèse pour minouchettes pisseuses », les jeans Denim et « la fibre optique resserrant les corps au plus près des désirs », « la prison au lieu du drapeau » risquée par « tout indépendantiste » (ou par tout blanquiste ?), les chemises blanches « d’escrocs et de brigands », le Doliprane, un marteau affaissé (pour un câlin ?) sur une faucille, des « yachts de pauvres nouvellement inventés », l’imagination mimétique travaillant « toute la matière » végétale comme animale, peut-être parce que « l’Univers entier est émotion », la rage comme « expression démago », un pull en boule comme illustration du « pli » baroque (une autre : « De l’intensité des événements prévaut la perception des sinuosités des goûts et des couleurs, des salaisons, de la rugosité de l’écorce des arbres ou de la langue de Minou qui rabote sur un genou »), la moustache affichant un virilisme auquel seuls aristocrates et militaires avaient droit (la porter fut même un devoir pour les gendarmes jusqu’en 1933), l’âme platonicienne comme débarras-cagibi-buanderie, « pour stocker un état transitoire d’objets du désir », un stylo écrivant « mon bouchon » sous le dessin d’icelui par le même, sur une assiette l’effigie de Louis XVI « + rectification » (ou — tracé sur le cou : « décoration » relatant « décollation »).

 

            Que serait la politique sans humour, l’humour sans politique ? Que seraient l’art et la littérature, que penserait la pensée, sans l’un(e) AVEC l’autre ? Cauchemars et fadaises, bimbeloteries et massacres. S’il vous plaît, princes petits ou grands qu’on implorait à la fin des ballades, ne demandez ni à Quintane, ni à Bérard de vous dessiner un mouton !

 

 

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